En Apnée

Dans la chapelle nue, le large mur, qui se déploie une fois la porte latérale franchie, semble doté d’une respiration propre. La main l’effleure comme une peau, épousant son grain et ses ondulations. Entre le bleu du plafond et l’anthracite du sol, le mur aveugle s’étend.

Autant outil du maçon que du tatoueur, le Dermatographe est un crayon qui marque la plupart des supports, en particulier la peau. Au gommage la couleur fuse et les résidus se teintent.

Trente-deux mètres carrés, vingt et un jours, quarante trois Dermatographes, un échafaudage roulant, un niveau, une longue règle souple, onze gommes. Partir du haut pour descendre progressivement. Tirer la ligne de gauche à droite. La reprendre comme s’il s’agissait d’une ligne unique, qui se relance d’un bord à l’autre du dessin. Espacer la ligne à mesure qu’elle descend vers le sol. Stratifier le temps de réalisation du dessin en ménageant des intervalles. Régler la poussée sur le crayon, tout en variant les mouvements de la main, de l’épaule, du bassin, de la jambe, du pied. Marquer certaines respirations par le ploiement des genoux et la mollesse du poignet. Gommer verticalement en croisant le sens du passage de la chaux. Laisser les pelures de gomme au sol comme une ligne de clôture volatile.

Pensé comme une performance, l’endurance en jeu donne la consistance du dessin. L’épuisement de ses composantes (temps, outils, énergie) l’achèvent.

Dans ce dessin mural in situ, la ligne est l’enregistrement sismographique du rythme interne et externe du corps qui porte le crayon ; une ligne qui suit, comme le souffle, l’alternance entre l’inspire et l’expire, une ligne de vie.